« On a beau dire que c’est difficile de mourir, manquablement tout un chacun finit par bien s’en tirer. » « Dans la vie il n’y a que deux moments qui comptent celui qu’on vient et celui qu’on s’en va. Le reste est de remplissage. » Cela est tiré de « la plaisante Sagesse lyonnaise », le franc parler populaire des gones de la Croix Rousse… pour dire que la mort fait partie de la vie ! Omniprésente, violente, paisible, provoquée, donnée, quémandée, absurde, insensée, trop tôt ou trop tard… Elle reste en chacun de nous une blessure que rien ne pourra jamais faire disparaitre. Avec cette inquiétude de notre propre mort ; du quand, du comment, pour s’en aller où ? Il y va du sens ou du non-sens de tout cela, de cette épopée de la vie commencée voici des milliards d’années et dont la fin est programmée pour l’esprit qui réfléchit !
Je pense au biologiste athée Jean Rostand qui écrit : « L’espèce humaine passera… Un jour toute vie cessera, cette aventure du protoplasma en ce monde et en d’autres, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l’échec final et à la ténèbre infinie. » Noir c’est noir !!!
On peut aussi, par altruisme, par amour, donner sens à la vie des uns et des autres, au moins de nos proches en faisant que le bilan de toutes ces vies ne soit pas un immense gaspillage de la vie, mais plutôt une mise en œuvre pour que soient partagées, en toute justice, travail, loisirs, amours, découvertes pour le bonheur, l’épanouissement de tous et de chacun. Sœur Emmanuel disait : « On passe de la mort à la vie en aimant. »
Elle écrivait aussi dans son testament spirituel : « Nous portons la mort en nous comme une énigme qui dépasse notre intelligence. Seule la parole divine a le pouvoir de soulever le voile nous cachant le sens profond de l’évènement qui vient mettre irrésistiblement un terme à notre existence terrestre. Celle révélation de la mort nous est faite par le Dieu qui donne la vie ! »
Et oui, et oui il faut dire que face à la mort, il y a ces millénaires d’expériences religieuses et mystiques portées par la foi de tant de croyants qui nous ont précédés.

Pour nous, ce matin, retenons le texte du livre de la Sagesse que nous avons à recevoir comme un cadeau, comme une évidence de foi, une certitude de foi. L’ADN en quelque sort du cœur même de notre âme.
Sœur Emmanuel parle d’une « semence d’éternité qui assure notre victoire sur la mort. » Hubert Reeves dit que nous sommes tous des « poussières d’étoiles » notre origine sans doute, notre devenir bien davantage ! Dégustons chaque phrase de ce livre de la Sagesse entendu il y a un instant. Souvenons-nous :
« Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle… Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. » J’ai envie de dire : « la messe est dite ! la cause est entendue ! » C’est vous, l’avez reconnu, la réaffirmation du projet de vie de l‘amour et de la tendresse de Dieu qui court à travers toute la Genèse : « Dieu créa l’homme et la femme à son image. Il vit que cela était bon ! »

L’Evangile, lui, nous donne à voir Dieu à l‘œuvre, par son Fils, face à la mort. Le texte de la réanimation de la jeune fille de Jaïre nous parle plusieurs fois de « passage ». Jésus passe sur l’autre rive. Il lui faut passer cette foule si nombreuse qui l’écrase. Il lui faut passer l’annonce de la mort (à quoi bon déranger Jésus). Il lui faut traverser les moqueries et quolibets pour enfin entrer dans la maison fermée comme un tombeau. Le sésame, il est bien celui de la foi : « Ne crains pas, crois seulement ! »
Dès à présent, j’ai envie de dire avec St Paul : « Mort où est ta victoire. ? » Souvenez-vous de ces autres passages dans les Evangiles : Lazare : « il s’est endormi, je vais aller le réveiller ». Le fils de la veuve de Naïm : « jeune homme je te l’ordonne, lève-toi ». La fillette : « elle dort. Elle n’est pas morte. Donnez-lui à manger. » « Jésus s’est réveillé d’entre les morts » clameront les apôtres. « Ô toi qui dors, éveille-toi ! » chantera l’Eglise primitive et nous aujourd’hui.

Un mot encore : trois témoins privilégiés dans cet Evangile afin que se transmette, se poursuive l’authenticité de la vie plus forte que la mort.
Pierre, Jacques et Jean reconnus par Paul comme « les colonnes de l’Eglise ». Les voici qui sont les premiers apôtres appelés à la mission, les seuls témoins de la Transfiguration, comme les seuls témoins directs de l’agonie ! Les voici, toujours les trois au chevet de cette petite de 12 ans qui renaît à la vie ! Ils sauront dire à leur tour de « ne pas craindre et de croire seulement », confirmant si nécessaire la foi des autres apôtres et des disciples.
Un dernier mot ! Souvenons-nous : « Il saisit la main de l’enfant et lui dit : lève-toi ! » Saurons-nous, au soir de notre vie terrestre, saisir la main que le Christ ne cesse de nous tendre, lorsqu’il nous dira : « Ô toi qui dors, éveille-toi d’entre les morts ! » ?

Yves BACHELET
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