Livre de la Genèse (15, 1-6 ; 21, 1-3)
« Ton héritier sera quelqu’un de ton sang »
Psaume 104
« Le Seigneur, c’est lui notre Dieu ; il s’est toujours souvenu de son alliance ! »
Lettre aux Hébreux (11, 8. 11-12. 17 -19)
« La foi d’Abraham, de Sara et d’Isaac ! »
Alléluia ! « À bien des reprises, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils ! »
Évangile de Jésus Christ selon St Luc (2, 22-40)
« L’enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse »
À peine avons-nous passé Noël, que nous nous trouvons transportés au temps de Jérusalem. Il est vrai qu’entre Bethléem et la capitale, la distance est courte. Mais quel dépaysement ! Nous quittons la crèche et les bergers pour un ensemble de bâtiments très imposant.
À l’époque, le temps est en chantier car Hérode, pour se faire bien voir des Juifs, a décidé de la reconstruire. On imagine assez bien Marie et Joseph perdus sur cette immense esplanade. Ils viennent là pour une cérémonie toute simple. Après son accouchement, la jeune femme célèbre ses « relevailles », comme on disait autrefois. Ils vont apporter l’offrande des pauvres : deux petites colombes. Ils se livrent d’abord à la prière en action de grâces pour la naissance de Jésus. C’est là qu’ils font une rencontre inattendue : un vieil homme, un prophète, visiblement habité par le Saint Esprit. C’est lui, qui, dans la foule, a distingué ce couple et plus particulièrement cet enfant. Syméon ne joue pas au devin. Il lit en profondeur la destinée de Jésus. Pour lui, pas de doute : cet enfant est bien le Christ. Il est donc là pour le salut d’Israël. Par-delà le peuple juif, Jésus est bien davantage : la lumière des nations. Nous pouvons penser que ses propos et la louange qu’il adresse à Dieu touchent profondément Marie et Joseph. Mais la suite n’a rien de réjouissant. En effet, Syméon s’adresse à la mère de l’enfant. Il lui révèle en substance que son fils sera signe de contradiction, bien reçu par les uns, rejeté par les autres. La suite des évènements viendra illustrer la justesse de ce propos. Joseph se tait. Marie aussi. Un jour, après avoir suivi Jésus de loin pendant sa vie publique, elle sera au pied de la croix. La jeune femme joyeuse qui arpentait l’esplanade du temps avec son enfant dans les bras devient désormais une mère inquiète. En voyant grandir Jésus, elle va s’interroger et, au fil du temps qui passe, trembler en le voyant un jour quitter l’atelier de Nazareth.
Au moment où Jésus exerce sa mission, l’évangile ne nous parle pas de Joseph. Sans doute est-il déjà au paradis. En outre, nous ne savons rien des conversations entre Marie et Joseph. Une telle rencontre les aura marqués. Ouverts à la parole de Dieu, l’un et l’autre auront prié ensemble. Ils auront évoqué, sans trop savoir, un avenir difficile à définir. En bons Juifs, ils connaissaient la Bible. Ils n’ignoraient pas qu’en leur temps les prophètes avaient été incompris, certains même persécutés. Ils se sont faits du souci pour Jésus et se sont efforcés de l’éduquer en lui livrant le meilleur d’eux-mêmes.
Toute naissance est un événement. Toute vie nouvelle est un mystère. Malheureusement, les humains sont souvent loin de respecter la vie. C’était vrai autrefois. C’est vrai aujourd’hui. Que de violences gratuites ! Que d’existences brutalement interrompues à cause de la folie, l’ambition, la jalousie, les idéologies, la course au profit. Que dire aussi de ces vies coupées à la racine dans le sein maternel ! Respecter la vie appelle beaucoup d’amour. Quel couple ne s’interroge pas sur l’avenir ? Comment ne pas désirer le meilleur pour ses enfants, l’espérance nous apprend que les êtres nés de nous sont, comme nous, doués de liberté et non copie conforme. Parfois, à cause de leurs qualités de cœur et leur intelligence, ils nous émerveillent. Parfois aussi, ils nous déconcertent. Parfois encore, ils nous font souffrir. En donnant la vie, l’homme et la femme acceptent de se laisser surprendre. Ils savent qu’ils ne sont pas propriétaires des existences qui se développent au sein de leur foyer. En voulant le bien de leurs enfants, ils ignorent fréquemment quel aspect ce bien prendra. La famille est une école d’humanité et d’abnégation. En outre, si la famille est une cellule privilégiée de la société, elle n’est pas la seule. Aujourd’hui dans un monde qui bouge, connait de nombreux changements et devient de plus en plus complexe, les parents ont du mal à accompagner leurs enfants car l’enseignement, la rue, les médias, la vitesse des communications créent des conditions de vie difficiles à cerner.
L’Évangile nous montre qu’en épousant la condition humaine, Jésus s’est inséré non seulement dans sa famille et son village mais dans une société juive en désarroi, tiraillée par des violences et des conservatismes, loin d’attendre la Parole de vie qu’il lui apportait. En naissant parmi les hommes, chacun de nous doit faire sa place. Grandir, c’est lutter : contre soi d’abord car nul n’est parfait. Lutter contre les tentations multiples d’un monde en construction. Créer des relations qui aident à s’affirmer. Lever les yeux vers plus grand que soi. Comme croyants, nous rejoignons Joseph et Marie dans leur combat pour la transmission des valeurs qui les ont façonnés. Nous les rejoignons dans leurs soucis et leurs questions. En les priant, demandons-leur la grâce d’accueillir chaque jour la nouveauté du Christ. En les imitant, cherchons comme eux la volonté de Dieu. Avec eux, luttons pour que s’épanouisse dans notre société un authentique souci de justice et de vérité.
Père Georges AUDUC